« Pourquoi utiliser le community organizing ? Parce que ça marche »

Interview de Julien Talpin, chercheur au CNRS et co-président du conseil scientifique de l’Institut Alinsky

Le 24 mai, Julien Talpin, chercheur en science politique au CNRS (CERAPS/ Université de Lille), co-directeur du GIS Démocratie et Participation était invité à Grenoble dans le cadre d’une conférence, Agir ou Sbir, portant sur le pouvoir d’agir du citoyen. L’occasion de le rencontrer et de discuter des méthodes de community organizing.

Tu as étudié les méthodes Alinsky, c’est-à-dire les méthodes de community organizing aux Etats-Unis et en France. Selon toi, en France, pourquoi utiliser ces méthodes ?

Parce que ça marche ! C’est une bonne raison. Il y a une grande difficulté aujourd’hui, du côté des associations, des mouvements d’éducation populaire, et des espaces de démocratie participative à toucher les classes populaires, les gens les plus éloignés de l’espace public. Le community organizing, grâce aux pratiques qu’il a développées, comme le porte-à-porte ou les réunions dans les appartements, permet de toucher ceux que, en général, on n’entend pas. Il permet d’obtenir des victoires et de montrer que ça vaut le coup de se mobiliser. Cela brise la résignation, qui est souvent un frein à l’engagement dans les quartiers.

Aujourd’hui, en France, quelles sont les expériences qui s’inspirent de ces méthodes ?

La première expérience a eu lieu via l’Alliance Citoyenne, à Grenoble et à Aubervilliers. Si on s’alliait, à Rennes qui utilise également ces méthodes. Le collectif Stop contrôle au faciès s’inspirent aussi des pratiques du community organizing autour de la revendication de la création d’un récépissé d’identité pour lutter contre les discriminations. Il y a aussi des formes d’inspiration plus indirectes du community organizing autour des pratiques dues à Les Verts, de toute la mouvance du pouvoir d’agir qu’on retrouve dans les tables de quartiers, autour du collectif Pas Sans Nous, et dans la fédération des centres sociaux, qui s’inspirent au moins en partie du community organizing.

Tu présides le conseil scientifique de l’Institut Alinsky depuis sa création. Est-ce que tu peux expliquer quelle est la vocation de l’Institut ?

La vocation de l’Institut Alinsky, c’est de servir les luttes, les mobilisations, les combats des gens dans les quartiers populaires en formant, en échangeant des savoirs, des pratiques, des savoir-faire qui ont été accumulés par un certain nombre d’acteurs de terrain. Cela permet de démultiplier les initiatives avec l’idée que le community organizing, ça marche, ça peut payer, ça permet de remobiliser des gens qui sont bien souvent dégoutés de la politique. Par un travail de formation et de diffusion, convaincre les gens que le community organizing est une des solutions pour promouvoir le pouvoir d’agir des habitants des quartiers populaires.