Entraves aux Libertés associatives dans les HLM :
Enquête sur les dysfonctionnements démocratiques dans le logement social
Enquête sur les dysfonctionnements démocratiques dans le logement social
Dans une enquête inédite, des chercheurs associés à l’Observatoire des libertés associatives, analysent les dysfonctionnements démocratiques dans le logement social. Une entrave aux libertés associatives alors même que les élections des représentants de locataires sont l’espace démocratique de ce bien commun, qu’est le service public du logement.
Le premier espace démocratique dans le logement social est celui des élections des représentants de locataires au sein des conseils d’administration et de surveillance des bailleurs sociaux. Acquise au cours des années 1980, cette représentation des usagers est le fruit d’un combat de plusieurs décennies. Mais si les réformes successives du logement social lors des décennies 1990 et 2000 participaient encore d’un approfondissement, au moins formel, de la participation des locataires et de leurs représentants à la gestion des bailleurs sociaux, une récente réforme de 2017 sur l’accès à la candidature de listes de représentants de locataires marque de ce point du vue un tournant. Elle renforce les moyens à disposition des associations mais restreint le nombre de celles qui y ont accès. Cette première partie revient donc sur la manière dont pèsent les modalités de scrutins de ces élections sur la démocratie électorale/représentative dans le secteur du logement social.
L’Observatoire des Libertés Associatives a été créé par l’Institut Alinsky et est présidé par Julien Talpin. A travers la rédaction de rapports scientifiques, il vise à documenter de façon plus systématique la pluralité des atteintes aux libertés associatives et des entraves à la capacité d’agir.
L’Observatoire des Libertés Associatives est un projet de L.A. Coalition des libertés associatives. Celle-ci réunit une vingtaine d’associations qui promeut la défense des libertés associatives et lutte contre le rétrécissement de l’espace démocratique.
Pour sa troisième enquête, l’Observatoire des libertés associatives, réunissant des chercheurs en sciences sociales et des responsables associatifs, analyse la démocratie HLM et ses dérives, à travers des cas et témoignages d’associations. Cette enquête porte également quatre préconisations pour transformer les règles du jeu démocratique, apaiser les tensions et démocratiser le logement social.
La crise démocratique en France a une place particulière dans les quartiers populaires. Les taux de participation aux élections y sont les plus bas et on y trouve plus qu’ailleurs une défiance à l’égard des institutions publiques. Les quartiers populaires français sont dans leur écrasante majorité des quartiers HLM, et les institutions les plus présentes sont les bailleurs sociaux, producteurs et gestionnaires des logements. La crise de la participation atteint dans ces institutions un niveau plus grand encore. En 2022, les élections des représentants des locataires chez les bailleurs sociaux, qui appelaient au vote les 4,7 millions de locataires du logement social, se sont terminées par un taux d’abstention historique : près de 87 %. Si ce chiffre entérine une baisse continue de la participation depuis trente ans, les dernières années semblent témoigner d’une dégradation accélérée.
Si les causes sont potentiellement multiples, ce rapport s’attarde sur l’une d’elle : les entraves aux associations de locataires. Dans la suite du premier rapport « Une citoyenneté réprimée », nous analysons des secteurs particuliers du monde associatif pour identifier les multiples formes d’obstacles ou de répressions touchant les associations et leur impact plus large sur le fonctionnement démocratique. Dans sa première partie, ce rapport étudie une transformation récente passée largement inaperçue. La loi Egalité et citoyenneté de 2017 a instauré une contrainte inédite sur les associations de locataires. Son article 93 impose désormais aux associations de locataires d’être « affiliées à une organisation nationale siégeant à la Commission nationale de concertation, au Conseil national de l’habitat ou au Conseil national de la consommation », c’est à dire à une organisation nommée par décret ministériel. Avant cette mesure, un collectif de locataires pouvait intégrer les instances décisionnelles de son bailleur s’il prouvait qu’il rassemblait plus de 10% des voix sur un parc immobilier ou un territoire donné. Dans les débats parlementaires, les députés qui défendent cette mesure la justifie par la lutte contre les associations communautaires. Une accusation disqualifiante souvent retrouvée dans les cas étudiés par l’Observatoire concernant les associations dont les membres sont musulmans. Cette obligation d’affiliation constitue une violation de la liberté d’association et transfère aux fédérations nationales un rôle de police et de mise à l’écart d’associations locales caractérisées par la notion mal définie de « communautarisme ».
Cette étude met en lumière une facette peu connue d’un service public qui loge 10 millions de personnes et occupe à ce titre une place décisive dans le système social français. Les chercheurs et chercheuses de l’Observatoire des Libertés Associatives suggèrent que le renouvellement de la démocratie passe par la reconnaissance de la fonction démocratique des associations, et notamment de leur rôle pour la démocratisation des services publics.
Les auteurs ont ainsi élaboré quatre préconisations afin de :
(1) lever les entraves et protéger les libertés des associations de locataires ;
(2) reconnaitre un droit d’interpellation des locataires pouvant aller jusqu’à
(3) un Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) HLM offrant un nouveau débouché à la participation active des habitants ;
(4) repenser plus largement les modalités d’exercice de la démocratie représentative dans le logement social.Retrouver prise sur les décisions qui les concernent est un enjeu démocratique fondamental, qui résonne plus vivement encore dans les quartiers HLM. Il passe par la protection de la liberté d’association et d’organisation collective première étape d’un pouvoir et d’une envie d’agir pour donner aux locataires les moyens d’influencer positivement leur cadre de vie.